L’indice de réparabilité encore négligé par de nombreux professionnels trois ans après son lancement


indice réparabilité

Mercredi 20 mars, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a partagé les résultats de sa deuxième vague de contrôle sur l’indice de réparabilité, un outil d’aide à la décision lancé début 2021 sous la forme d’une petite étiquette colorée, affichée à côté du prix de certains appareils électroniques et électroménagers. Y figure une note sur dix donnant au consommateur une idée de la facilité avec laquelle il peut faire réparer son appareil.

Les trois derniers mois de l’année 2022, les agents de la DGCCRF ont ainsi contrôlé environ quatre cents commerces et constaté l’absence fréquente de cette étiquette. Surtout, ils ont rendu visite à une poignée de fabricants, ou d’importateurs les représentant, afin de décortiquer les bases de leurs calculs d’indice. Car la note de réparabilité n’est pas élaborée par l’administration, mais par les marques elles-mêmes, qui se l’auto-attribuent.

Afin de réaliser leurs évaluations, les agents de la DGCCRF ont demandé aux marques d’apporter les preuves justifiant les sous-notes, nombreuses, qui entrent en compte dans le calcul final. Chacune correspond à un critère comme le prix d’une pièce détachée (batterie, écran, capteur photo, etc.), sa disponibilité, le nombre d’étapes nécessaires pour la démonter, etc.

« Sur ce dernier critère, nous demandions aux fabricants de fournir le compte rendu d’un test de démontage mené par un laboratoire indépendant, précise au Monde Hélène Héron, cheffe du bureau “produits industriels” de la DGCCRF. A l’avenir, nous étudions la possibilité de faire vérifier ces déclarations par un laboratoire mandaté par nos soins, mais cela ne se fera pas avant 2025. »

Peu de fabricants contrôlés

Les agents ont complété ces vérifications de pièces par des contrôles sur le terrain, évaluant par exemple la disponibilité effective des pièces détachées. Mais aucun contrôle des prix de ces précieux composants n’a été diligenté. Une enquête du Monde, parue quelques semaines avant la campagne, établissait pourtant que les distributeurs d’Apple facturaient ces composants aux réparateurs indépendants à des prix très dissuasifs, ce qui privait ces dépanneurs, ultra-majoritaires en France, de pièces officielles.

« Les fabricants fixent leurs prix librement, justifie la DGCCRF. Nos contrôles de l’indice de réparabilité ne peuvent pas se porter sur ce critère. C’est une problématique de droit de la concurrence, que nous ne pourrions contrôler que dans le cadre d’une autre enquête portant sur d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles. » Dans leur campagne de 2022, les agents de la DGCCRF n’ont rendu visite ni à Apple, ni à Samsung, ni à Oppo, trois fabricants dont les calculs étaient dénoncés quelques mois plus tôt par l’association Halte à l’obsolescence programmée.

Au total, la répression des fraudes n’a rendu visite qu’à trois fabricants ou importateurs, vérifiant les notes de vingt aspirateurs, quatre smartphones, neuf lave-vaisselle, treize ordinateurs, dix-sept téléviseurs, vingt-deux tondeuses à gazon et quarante-quatre lave-linge. Chacun des fabricants ou importateurs contrôlé a été pris en faute : dans deux cas, des justificatifs manquaient, dans un autre, le calcul était faussé. Tous ont péché sur le même type de produit : leurs tondeuses à gazon électriques. Ils ont reçu un avertissement ou une injonction de mise en conformité, mais aucun n’a reçu d’amende.

Interrogée, la DGCCRF admet que pour l’heure, l’ampleur des contrôles des fabricants et la sévérité des sanctions peuvent sembler décevantes. Néanmoins elle souligne que ces contrôles menés sur une base annuelle sont appelés à monter en puissance : « Former les agents prend du temps », argue Ambroise Pascal, délégué à la transition écologique de la DGCCRF. Quant aux sanctions, ses agents vont progressivement durcir le ton. L’heure est encore « à la pédagogie ».

Un effort important sur les commerces

A l’autre bout de la chaîne, les commerces ont été contrôlés beaucoup plus largement. Les étiquettes ont été vérifiées dans plusieurs centaines de boutiques et de supermarchés, pour un total de treize mille produits. Les constats des agents de la DGCCRF ne sont guère positifs : l’étiquette manquait pour 39 % des produits, son format n’était pas conforme dans 14 % des cas. La grille détaillée, qui mentionne une douzaine de sous-notes pour chaque produit, était inaccessible dans les trois quarts des cas.

Un exemple de grille détaillée présentant les sous-notes d’un smartphone.

« Bien souvent, les professionnels contrôlés n’ont soit pas connaissance de cette obligation, soit ils la connaissent, mais ne sont pas en mesure de la respecter. Impossible pour eux de savoir où se trouvent les détails du calcul de la note », explique la DGCCRF dans son rapport.

Le Monde

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Du côté des boutiques en ligne, la DGCCRF a contrôlé une dizaine de sites, dont une bonne moitié de places de marché. Sur 1 241 produits visés, elle a constaté que l’étiquette manquait dans 46 % des cas. La grille de notation détaillée faisait défaut dans 52 % des cas.

Fabricants, magasins physiques, marchands en ligne : au total, 523 établissements ont été contrôlés. Parmi eux, 341 présentaient une anomalie, 256 ont reçu un avertissement (un même établissement peut en avoir reçu plusieurs), 89 une injonction de mise en conformité. La DGCCRF a dressé cinq amendes d’un maximum de 3 500 euros à des grossistes ou des vendeurs, tous récidivistes. Elle a également dressé un procès-verbal pénal à un réparateur d’appareils électroménagers, dossier transmis au procureur de la République.

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